Tout d’abord, nous tenons à préciser que nous n’avons pas bénéficié d’une copie en avance de la part de l’éditeur Sony. Nous avons donc pu tester le jeu comme tout le monde à partir du jour de sa sortie, sans être influencé par un quelconque partenariat.
Notre partie initiale, réalisée sur PS4 originale, a été jouée en difficulté normale pour une durée de 38 heures de jeu. L’exploration et la découverte ont été privilégiées au rush, pour bien prendre le temps de s’imprégner de l’atmosphère étouffante de cette partie 2.
The Last of Us – Une histoire sombre empreinte d’espoir :
The Last of Us premier du nom, sorti le 14 juin 2013 et récemment élu titre de la décennie, n’a laissé personne indifférent : Une infection au Cordyceps décima une grande partie de l’humanité fin 2013. Vingt ans plus tard nous incarnions Joel, contrebandier d’une cinquantaine d’année, chargé d’escorter Ellie à travers ce qu’il reste des États-Unis, pour la remettre à un groupe de rebelles dénommés les Lucioles.
Leur périple, au cours duquel ils affronteront des groupes de survivants humains ainsi que des infectés (humains contaminés par le Cordyceps), finira par faire naître de réels liens familiaux. Si bien que Joel trouvera en l’adolescente la rédemption de ses vingt longues années de survie et surtout, le moyen de définitivement tirer un trait sur le deuil de sa fille décédée lors du chaos généré par le début de l’infection. En retour, l’orpheline verra en Joel la figure paternelle qu’elle n’a jamais eu.
Le scénario, bouleversant à bien des égards et se concluant sur le choix du cœur plutôt que celui de la raison, est qualifié de chef d’œuvre autant par la presse que par la majorité des personnes ayant joué au titre.
La fin, n’étant ni belle ni mauvaise, se terminait malgré tout sur une belle touche d’espoir et une question adressée aux joueurs : Pour le bien du plus grand nombre, seriez-vous prêts à sacrifier la personne qui compte le plus pour vous ?
L’œuvre se suffisant à elle-même, elle ne devait pas avoir de suite, si bien que pendant les quelques années qui suivirent, Neil Druckmann (créateur de la licence et vice-président de Naughty Dog depuis 2018) déclara à plusieurs reprises qu’une suite n’était pas envisageable sans qu’elle ne soit justifiée. Mais le 3 décembre 2016 lors du Playstation Experience, la suite est officialisée sous les ovations et acclamations du public assistant à l’événement.
Trois ans et demi plus tard, et après sept années séparant la sortie des deux épisodes, nous pouvons enfin mettre la main sur cette partie 2 tant attendue mais toute aussi redoutée…
Un gameplay solide :
Si vous avez joué au premier épisode, vous ne devriez pas être déboussolé par le gameplay du deuxième opus. Les mécaniques faisant la force de la licence ont été conservées et améliorées pour la plupart et de nouvelles très complémentaires ont été ajoutées, comme le fait de pouvoir ramper, se dissimuler (pas totalement) dans les hautes herbes ou encore pouvoir sauter sur commande.
Ne révolutionnant pas le genre des shooters/infiltration à la 3ème personne et faisant parfois penser à Metal Gear Solide V dans certaines situations, le gameplay est efficace, et avec un peu de maîtrise, souvent jouissif ! Appliquer des tactiques de guérilla telles que l’embuscade, l’attaque éclaire, le meurtre silencieux ou la diversion est souvent préconisé à l’attaque de front.
Pour les plus patients, l’infiltration sera aussi possible et sûrement la solution la plus morale, mais nous y reviendrons lorsque nous aborderons le scénario.
Comme dans le premier, vous aurez aussi la possibilité de confectionner du matériel directement en ouvrant votre sac à dos. Les pilules à retrouver ici et là pour améliorer vos compétences, ainsi que les pièces pour améliorer les armes sont elles aussi toujours de la partie et offrent une progression bien dosée au fur et à mesure que l’aventure se corse. Mais le but principal de ces fonctionnalités est de pousser le joueur à explorer les zones qui pour le coup méritent réellement que l’on prenne le temps de les découvrir.
Les gunfights sont quant à eux percutants et placer une balle en pleine tête d’un PNJ ennemi ne sera pas toujours facile, surtout sans les compétences adéquates. Des joueurs y verront le fait que la manette n’est pas le meilleur outil pour ce type de gameplay alors qu’il nous a semblé que le manque de précisions était volontaire pour assimiler plus de réalisme (c’était déjà le cas dans le premier). Cependant, nous comprenons que cela puisse déplaire et frustrer certains ; surtout lorsqu’on est le pro du headshot dans d’autres jeux.
Fuir des PNJ humains qui nous assaillent et nous tirent dessus de toutes parts nous a rarement semblé aussi bien réalisé et animé dans un jeu à la troisième personne. Courir, escalader, se mettre à plat ventre, passer par une brèche dans le mur ou encore attraper un objet à la volée pour le balancer sur un ennemi font que cette partie du gameplay est très bien réussie.
Les chevaux feront aussi leur retour ainsi que d’autres moyens de transport dont l’un rappellera forcément aux plus nostalgiques d’entre nous l’un des niveaux mythiques de Tomb Raider 2.
L’ajout de nos amis canins amène une touche de pression supplémentaire et fera souvent rager ceux qui privilégient l’infiltration à l’action. Car oui, ici les chiens peuvent vous flairer. À vous d’utiliser une diversion si vous ne voulez pas les affronter de front.
Concernant la variété des ennemis et le bestiaire :
Cela reste assez varié et pour les différents groupes rencontrés, « l’effet clone » est peu présent, hormis peut-être pour une faction bien particulière.
On pourra regretter qu’a contrario du premier, certains PNJ humains (définis comme mini boss) sont très très coriaces et devront prendre un nombre beaucoup trop important de coups et/ou de balles pour être neutralisés; ce qui enlève un peu de réalisme mais ajoute un peu plus de défi.
Les différentes classes d’infectés voient leur nombre augmenter et nous réservent quelques surprises, ce qui est toujours aussi efficace pour varier l’approche et du coup adapter le gameplay aux types d’ennemis.
Une technique pratiquement sans fautes :
Nous ne nous attarderons pas sur ce point qui fait pratiquement l’humanité des gens ayant eu le titre en mains, même auprès des détracteurs des autres aspects du jeu. Et il suffit d’aller regarder un test vidéo pour s’en rendre compte par soi-même.
– La direction artistique est sublime et les graphismes magnifiques. On se demanderait parfois si on est bien sur PS4. Mais le bruit généré par la machine pour la refroidir vient souvent nous le rappeler …
– La motion capture a rarement été aussi réussie dans un jeu vidéo.
Les animations faciales sont criantes de réalisme, si bien que parfois un regard suffit pour faire passer un sentiment ou le ressenti d’un personnage. C’est clairement du jamais vu !
On se surprend à orienter la camera sur le visage de notre protagoniste juste pour regarder ses expressions en temps réel en fonction des événements ou encore la goutte de sang qui coule le long de la joue après un combat : Organique ! Le mot à la mode depuis Red Dead Redemption 2 n’a jamais été aussi parlant.
– Les animations générales des personnages sont quant à elles toutes aussi réussies : Tout est animé de façon réaliste et rien n’a été laissé au hasard. Et c’est au travers des cinématiques qu’on se rend compte à quel point tout cela est cohérent.
– L’IA ennemie fait assez bien le travail, elle s’échange des informations, organise des contre-attaques, des replis ou des assauts.
On a clairement l’impression que chaque ennemie n’est pas un simple PNJ mais a une vie derrière, grâce à leur communication entre eux, mais nous y reviendrons plus en détails dans la partie scénario.
On pourra reprocher quelques mécaniques comme le fait d’avoir un temps de détection lorsqu’un ennemi commence à nous voir. Mais d’un autre coté heureusement, sinon il serait pratiquement impossible de fuir une zone en choisissant l’infiltration la plus totale.
– Les acteurs et les voix aussi bien originales que doublées en Français sont juste une réussite totale, à l’image du premier.
– La musique toujours composée par Gustavo Santaolalla est bien moins présente et beaucoup plus sombre que dans le premier épisode, mais elle est toujours autant réussie. Souvent discrète (quelques notes éparses) elle ne prend que rarement le premier plan ; juste lorsqu’il faut appuyer certains événements.
Un scénario et une prise de risque qui feront date :
Autant vous le dire tout de suite, si vous vous attendiez à une suite facile et empreinte de fan service, comme la majorité des studios de l’industrie aiment le faire au travers des suites de leurs licences phares, ce ne sera clairement pas le cas ici.
Le parti pris par Naughty Dog n’est clairement pas de nous offrir la suite que l’on désirait. Si bien que la touche d’espoir insufflée à la fin de l’épisode 1 est clairement balayée des les premières heures de jeux.
Finie l’innocence d’Ellie ! Place à la haine et au cercle sans fin de la vengeance. L’histoire se situant quatre années après la fin du premier, certaines prises de décisions de Joel refont surface, si bien que la relation entre les deux est plus dégradée que jamais…
C’est dans ce contexte que nous abordons l’aventure mais cette fois-ci aux commandes d’Ellie.
Et, au travers de sa quête, nous descendrons de plus en plus bas.
Nous allons subir ce qu’elle subit, ressentir ce qu’elle ressent, détester ceux qu’elle déteste et parfois avec un peu de recul, se rendre compte que tout comme elle, nous sommes en train de toucher le fond.
Et c’est un des aspect les plus forts du scénario : nous conditionner à être le personnage qu’on incarne jusque dans notre fort intérieur.
Le chemin est long et quoi de mieux que de nous faire ressentir cette lassitude.
Parfois, nous apercevons le lieu où nous devons nous rendre, à des kilomètres de notre position. Si bien que nous sommes aussi découragé à l’idée d’entamer le chemin que notre protagoniste peut l’être. Mais la haine reste notre moteur et c’est en ça que nous arrivons à garder la foi d’avancer. Même si ce genre de techniques peut clairement lasser pour de bon à certains moments.
Vers le milieu de l’aventure, le jeu prend une tout autre orientation dans la forme, tout en gardant son thème principal dans le fond. Ce cassage de rythme nous a permis de prendre une respiration et de pouvoir nous relancer dans l’aventure qui commençait clairement à se ralentir. Mais nous ne le développerons pas plus pour garder l’intérêt et la surprise.
Les personnages secondaires sont pour certains très attachants, mais ils manquent pour la majorité de développement et c’est hélas l’une des grandes faiblesses du scénario.
Et c’est là qu’on en revient au traitement des PNJ ennemis. Jamais un jeu nous avait fait prendre conscience d’à quel point nos actes envers eux ne sont pas anodins. Comme on le précisait dans la partie sur l’IA, ceux-ci communiquent entre eux et réagissent aux événements en temps réel. Ils appellent leurs camarades quand ils n’ont plus de nouvelles d’eux ou encore, ils crient d’affolement lorsqu’ils découvrent le cadavre de l’un ou de l’une d’entre eux.
Par ce fait nous ne tuons plus de simples PNJ mais des maris, des femmes, des pères, des mères, l’enfant ou encore le chien de quelqu’un. Cela nous fait réaliser qu’ils ont tous une vie et que nos actes ne sont pas anodins malgré toute la haine viscérale que l’on peut éprouver envers eux.
Et c’est l’un des plus gros points forts de ce titre, l’absence totale de manichéisme à tel point que nous finirons par redouter les décisions d’Ellie qui n’est clairement plus la même que dans le premier jeu.
Encore un parti pris assumé par Naughty Dog et ne vous étonnez pas de détester les personnes que vous avez aimés et d’apprécier les personnes que vous avez détestées.
Au fur et à mesure de l’aventure, on peut sentir clairement où les scénaristes ont voulu nous emmener. On aurait aimé plus de subtilités et plus de surprises dans cette orientation qui peut parfois être amenée de façon maladroite, mais il faut quand même préciser que ce choix amène à réfléchir sur les intentions de chacun. Rien n’arrive par hasard, la vengeance et par ce biais la vie en général ne sont qu’une histoire de points de vue. Du coup, on peut estimer que le but recherché par Naughty Dog est réussi et, il nous mène à une prise de conscience et à une réflexion sur l’humanité et la perception que l’on a des gens que l’on ne connaît pas.
Les dialogues servent bien sur le sujet et leur écriture est digne des plus grands films. Les moments de silence et les animations faciales, dont on parlait un peu plus haut, viennent les renforcer et parfois un regard entre deux personnages vaut mieux qu’un long discourt et arrivera à susciter de l’émotion chez le joueur.
Et Joel dans tout ça ?
Ellie étant à l’honneur de cet épisode, vous aurez forcément moins affaire à lui, mais attendez-vous à le retrouver à des moments bien introduits au cours du déroulement de l’histoire.
Review bombing et trailer maquillés :
Vous êtes sûrement au courant que depuis la sortie du jeu, un grand nombre de personnes a laissé une critique et une note catastrophique au jeu sur le site Metacritic.
Nous ne nous attarderons pas sur le sujet mais nous nous devions de l’évoquer.
Plus de quarante mille critiques alors que le jeu venait à peine de sortir, c’est du jamais vu !
Parmi ces détracteurs organisés qui n’ont pour la plupart pas joué au jeu, certains réagissent comme ça par frustration de ne pas pouvoir y jouer car c’est une exclusivité Sony. D’autres sont totalement anti-console et donc considèrent que n’importe quel jeu sorti dessus n’est pas de qualité.
Et pour certains, ils y voient là un combat politique et nous avons pu lire que le jeu était progressiste, qu’il mettait en avant la cause LGBT et tout un tas de qualificatifs fallacieux à la limite de l’intolérance parfois, et ce des mois voire des années avant la sortie du jeux.
Nous pouvions clairement nous demander au vu des trailers si le jeu n’allait pas trop facilement s’étendre sur des sujets politiques du moment et vouloir faire passer des messages progressistes coûte que coûte.
Mais il n’en est vraiment rien. Les relations homosexuelles sont là pour décrire une histoire d’amour entre deux personnes et non pas faire passer un message.
Et même si ça avait été le cas, ceci est l’œuvre d’une équipe qui est seule maîtresse à bord du développement de son aventure et qui n’a de comptes à rendre à personne. Après, que l’on aime ou pas, c’est un autre débat, mais encore faut-il avoir des arguments censés et cohérents pour défendre son avis et surtout, avoir joué au jeu un grand nombre d’heures afin d’être légitime, et de le critiquer honnêtement.
Et parmi tout ce beau monde, les commentaires sincères des gens qui ont aimé, pas aimé se retrouvent noyés dans ce tas d’inepties. Cela pousse même des gens ayant apprécié le jeu mais sans plus, à mettre une note anormalement bonne dans le but de rehausser la moyenne désastreuse.
Finalement, c’est toute la limite du système Metacritic qui est mise en avant avec la sortie de The Last of Us 2 .
Et si le site veut garder sa notoriété, il va devoir mettre des verrous comme c’est hélas souvent le cas sur Internet à cause d’une minorité de trolls et d’abrutis qui ne respectent rien.
On peut envisager un partenariat entre le site et les éditeurs de jeux afin que les gens souhaitant laisser un commentaire sur tel ou tel jeu devront prouver, en liant leur compte, qu’ils possèdent le jeu et justifier un nombre d’heures de jeu cohérent pour pouvoir laisser une critique autre que : « c’est nul ».
Une taille minimum des commentaires devrait être exigée pour ne pas finir avec une critique de 3 lignes. Mais c’est un autre débat …
Ensuite beaucoup de joueurs ont crié au scandale lorsqu’ils se sont sentis manipulés par les trailers du jeu et la version définitive qu’ils avaient entre les mains. Et on parle ici d’éléments de scénario.
Il est bien évident que Naughty Dog a voulu brouiller les pistes pour éviter que les gens se fassent des idées sur le scénario. Ça pousse forcément les joueurs à fantasmer sur le jeu qu’ils vont avoir et finalement cela peut être pour eux une déception une fois le titre acquis.
Alors que les montages des trailers soient mis en scène de façon à désorienté le futur joueur n’est pas spécialement dérangeant. Mais quand des éléments totalement faux on étaient créés dans certains trailers, ils est compréhensibles que certains se soient sentis tromper sur la marchandise.
Même si de notre avis, cela ne nous a pas dérangé et permis de garder de bonnes surprises scénaristiques.
The Last of Us 2 – L’ADN du premier, toujours présent ?
Nous n’allons pas y aller par quatre chemins pour répondre à cette question et conclure notre avis sur le titre.
La réponse est non, c’est le jour et la nuit. The Last of Us 2 est très différent du premier, de par sa narration, bien plus longue et moins rythmée, mais aussi par les thèmes abordés. Même l’espoir qui était le moteur du premier n’est plus. Ici c’est la descente aux enfers dont il est question et vous allez la subir de pleine face.
Jusqu’à la fin, vous allez souffrir avec les protagonistes et faire des choix que vous regretterez mais que vous réaliserez malgré tout. Jusque dans ses derniers instants, The Last of Us – Part 2 ne vous fera pas de cadeaux, si bien que la fin reste à l’image de l’ensemble du jeu : déprimante.
Mais pas déprimante dans le mauvais sens, déprimante car c’est ça que voulait nous faire ressentir l’équipe derrière le jeu : la haine de l’autre et la vengeance ne finissent que rarement bien. Tout cela laisse des traces et il y a forcément un prix à payer.
Certains seront choqués et déstabilisés par le traitement de cet opus. Les fans voulaient une suite, Naughty Dog l’a fait au point de la faire regretter à certains joueurs.
La violence voire le gore sont omniprésents et beaucoup plus impactants que le premier. Mais cela justifie le propos, et édulcorer le jeu n’aurait pas eu le même impact. Cette partie 2 n’est clairement pas faite pour tout le monde et les plus sensibles d’entre vous devront peut-être s’abstenir.
The Last of Us – Part 2 est donc un jeu clivant qui divise et divisera encore pendant longtemps.
Il laissera des traces et tout comme son prédécesseur, une réflexion générale sur les événements dramatiques de la vie auxquels chacun d’entre nous peut être confronté, même dans notre civilisation actuelle. Après tout, la haine et la vengeance ne sont des sentiments que trop bien connus de la plupart d’entre nous.
Il va surement lui falloir quelques mois, voire années pour qu’il soit digéré et que l’on se rende compte que c’est une œuvre majeure. Là où les triples A de qualité qui aiment prendre des risques, avec une ambiance mature et un scénario réaliste et assumé, deviennent tout comme l’humanité dans The Last of Us, une espèce en voie de disparition.
Relu et corrigé par : Julie